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Louis XVI a accepté la Constitution

1790 - 1791
Le roi gagne et perd

Ce 14 septembre 1791, le pays entier marque sa satisfaction. Louis XVI a accepté la Constitution, qui doit faire le bonheur des citoyens. Malgré l'arrestation de la famille royale à Varennes et les humiliations du retour forcé dans la capitale, malgré les manifestations républicaines et la sanglante fusillade du Champ-de-Mars, Paris montre sa joie. On oublie les malheurs d'antan. La Révolution s'achève.

Ce 14 septembre 1791

louis XVI
Vers midi, le roi quitte les Tuileries pour se rendre à la salle du Manège, siège de l'Assemblée constituante.
Sorti du château, le carrosse royal traverse la place du Carrousel, enfile les rues Saint-Nicaise et Saint-Honoré avant de s'arrêter devant l'entrée du Manège. Tout le long du parcours, l'affluence des badauds est prodigieuse. On applaudit Sa Majesté mais quelques murmures montrent que l'enthousiasme est loin d'être unanime.
Le roi met pied à terre. Il a revêtu un habit bleu brodé de soie, une veste blanche et porte l'épée au côté. La croix de Saint-Louis brille sur sa poitrine. Une députation de douze membres est venue l'accueillir à sa descente de voiture. Traversant le vestibule, le groupe arrive à la porte principale.
La salle est comble. Les députés se pressent sur leurs banquettes et on a dû refouler beaucoup de curieux. La reine est déjà installée dans sa loge d'honneur, avec ses enfants et quelques membres de la cour.

Une nouvelle humiliation

A l'entrée du roi, le bruit cesse, tout le monde se lève. Mais le souverain s'arrête sur le seuil. Il ne voit pas le trône où il doit prendre place. En revanche, un fauteuil lui a été préparé à la gauche de celui du président Thouret. Le dais et les ornements ont été enlevés. Une seconde, Louis XVI hésite. Que doit-il faire? Les semaines précédentes, il a été abreuvé de tant d'injures qu'il peut passer sur une humiliation nouvelle. Il s'avance de son pas lourd, dandinant, et va s'asseoir auprès de Thouret. Puis, s'étant levé, il commence à lire le texte de son serment.
— Messieurs, je viens consacrer ici solennellement l'acceptation de la Constitution...
Mais, dès la première phrase, il s'interrompt brusquement. Il s'est aperçu que les députés se sont assis et qu'ils ont ostensiblement mis leurs chapeaux. Ils ont voulu, dira Prudhomme, voir une fois la personne royale debout devant eux. Le souverain les regarde de ses yeux de myope. Il ne peut retenir un geste d'indignation. A son tour, il s'assied et se couvre. Puis, après un instant de silence, il reprend, d'une voix altérée, le fil de son discours :
Puisse cette grande et mémorable époque être le gage de la réunion de tous les Français, l'aurore de la paix et le bonheur de la France...

A ces mots, les acclamations remplissent la salle. On crie : Vive le roi! Vive la Constitution! Le ministre de l'Intérieur présente alors à Louis l'acte constitutionnel et la plume pour le signer. Puis le président prononce à son tour une petite harangue. Sa parole est redondante, l'atmosphère chaleureuse, mais le roi ne peut oublier la nouvelle mortification qu'il vient de subir. Il s'en va le plus vite possible, sans saluer personne, et regagne le château à pied par le jardin des Tuileries. Une fois seul avec Marie-Antoinette, il s'effondre dans un fauteuil, la tête entre les mains :
Tout est perdu! s'écrie-t-il avec douleur. Vous avez été le témoin de cette humiliation, vous êtes venue en France pour voir cela!
L'ensemble du pays ignore cependant l'inutile affront fait au souverain. Il ne voit qu'une chose : une ère nouvelle est ouverte. De fait, Louis XVI a retrouvé sa popularité. Il est à nouveau reçu au Manège, mais cette fois avec les honneurs dus à son titre de roi des Français. Les Parisiens l'acclament lorsqu'ils voient passer sa voiture aux Champs-Élysées ou place Louis-XV. La reine elle-même, si souvent vilipendée, est applaudie à l'Opéra.

L'assemblée législative

assemblee legislative
L'Assemblée constituante se sépara le 30 septembre 1791. L'Assemblée législative se réunit le 1" octobre. L'oeuvre que laissait la Constituante était immense, cependant lacunaire et fragile. Elle avait produit quelque deux mille cinq cents décrets, chiffre fabuleux mais s'expliquant par le fait que, détruisant les anciennes structures de l'Etat et de la société, elle se devait de leur substituer, au fur et à mesure, des dispositions nouvelles. Ayant proclamé et défini les principes d'égalité et de liberté, elle les avait cependant elle-même entamés, voire dénaturés, sous l'empire des événements et des clubs.
A force de restreindre le pouvoir exécutif, elle avait rendu pour ainsi dire impossible l'exercice du gouvernement. Dans la mesure où elle eût permis la rééligibilité de ses membres, elle eût assuré une certaine continuité ; alors il eût été facile de rendre la Constitution viable en la rectifiant. On peut bien dire qu'à l'encontre de Louis XVI, c'était elle qui avait abdiqué, en renonçant à poursuivre son rôle.
La lassitude y était pour beaucoup, car, depuis vingt-huit mois qu'elle siégeait, elle n'avait guère cessé de délibérer, souvent dans le tumulte, et parfois dans la crainte.

Les sept cent trente députés de la Législative étaient des inconnus (sauf Brissot et Condorcet), plus jeunes et moins riches que leurs prédécesseurs, tous révolutionnaires militants, c'est-à-dire prononcés contre l'aristocratie, le clergé et même la monarchie constitutionnelle. Ils ne considéraient point la Révolution comme achevée ; au contraire elle était plus que jamais en marche à leurs yeux.
Lors de la première séance, ils se firent apporter le livre de la Constitution et jurèrent de « vivre libres ou mourir ». En réalité, ils ne se sentaient pas tenus par les décisions de leurs devanciers. Ils commencèrent par abolir les termes de Sire et de Majesté, de même que naguère la Constituante avait aboli les titres de noblesse.
On leur représenta qu'ils n'avaient pas le droit de modifier d'entrée de jeu les rapports entre les deux pouvoirs, la Constitution étant en vigueur. Ils rapportèrent le décret, mais c'était une première indication. Lorsque, le 7 octobre, Louis XVI se rendit à l'Assemblée pour ouvrir la session, il fut néanmoins très applaudi. Mais, revenu aux Tuileries avec la reine, il s'écria avec une voix entrecoupée par les larmes :
Ah ! Madame, pourquoi avez-vous assisté à cette séance pour être témoin ?
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